Haïku performatif
Lors d’une tournée de performances, je suis tombé amoureux d’une femme, plus précisément du paysage de cette femme, déployé en elle, et par elle. C’est à la suite de cet épisode que l’amour idéalisé s’est révélé la motivation principale dans mes activités de création et de réflexion. Ma recherche doctorale ne porte pas sur les relations amoureuses (séduction homme/femme), mais sur le renouvèlement de la lettre d’amour par l’intermédiaire de l’art performance. En réalisant des cérémonies artistiques évoquant la fascination que j’ai pour l’objet aimé, j’exprime autrement la poésie romantique de la lettre d’amour. Mes propositions artistiques ne portent pas sur la représentation, mais plutôt sur l’évocation. Le glissement de la littérature à l’art vivant permet une « lecture » complètement nouvelle de la lettre d’amour, puisqu’elle se transforme en un poème incarné, évènementiel.
Dans mon processus artistique, je centre mes énergies vers une attitude visant l’essentialisme, le minimalisme et la brièveté ; j’adopte ainsi la philosophie du haïku. Mes lettres d’amour transformées en haïkus performatifs expriment un éloge à l’amour (et plus précisément un don d’amour à soi). Tel que je le conçois, le haïku performatif vise l’acte de foi d’amour : une illusion qui permet le déploiement d’un discours amoureux. J’aspire à découvrir un art porteur de création positive qui insuffle l’amour et la joie. Ma démarche se caractérise par la métrique de trois images consécutives et qui repose sur le principe d’un court poème incarné, transposé dans le présent. Par l’entremise de gestes performatifs, j’édifie une audace, un « oser vivre » qui se concrétise à partir de l’inconnu qui m’habite. Pour moi, l’amour est une résonance intérieure qui se vit dans l’intimité d’un rendez-vous avec soi-même.
La particularité de mes performances se traduit par un travail dans les arts visuels. Mes réalisations s’organisent dans l’entrecroisement de la recherche conceptuelle et expérientielle. La force du haïku performatif réside dans sa capacité de s’ajuster à la réalité ; c’est une stratégie pour réfléchir tout en se laissant surprendre par l’imprévu. Je m’attarde à l’édification d’un art qui interroge l’amour comme prolongement de soi à la rencontre d’une altérité imprédictible.
Par l’intermédiaire d’une poésie visuelle vivante, je revendique un retour en force de l’amour pour formuler un genre artistique au bénéfice d’autres praticiens et théoriciens. Le haïku performatif constitue une démarche clairement autopoïétique qui me positionne au cœur du processus de la transformation de l’espace, des idées et de soi ; c’est une procédure de vérité subjective qui affirme que le fait d’aimer peut tout changer. L’essentiel est de faire naître par la création et l’amour une transformation de la pensée et de l’agir. Le haïku performatif est un parcours initiatique.
*Extrait de ma thèse de Doctorat en études et pratiques des arts, Université du Québec à Montréal, 2015.