Dans cette série, tout spécialement, je travaille avec des objectifs qui ont des caractéristiques bien spécifiques : le « bokeh ». Certains objectifs sont modifiés, transformés; d’autres, sont des « fabrications-maison » ou des objectifs argentiques classiques. L’intention: trouver un bokeh introuvable sur le marché et en explorer ses diverses facettes sur un Canon T3i ou Sony a7.

J’exprime des réticences à l’égard des règles de la photographie qui nous imposent la servitude à l’automatique, la rapidité technologique toujours plus raffinée et des modes d’expression qui se limitent à la reproduction fidèle du monde. Mon ambition est de produire des rapports qui lui sont encore inconnus en me commettant à des manifestations inventives qui stimulent l’acte photographique dans le présent par l’intermédiaire de procédés alternatifs (des dispositifs au service de son imagination). Je tente d’introduire une nouvelle valeur à la photographie en édifiant des fabrications maison : des objectifs dont la mécanique optique d’enregistrement permet de transformer l’objet perçu jusqu’à le rendre méconnaissable. J’exploite des outils et des appareillages conçus pour des fins reproductives à des fins productives. Mes études expérimentales révèlent des images aux frontières de l’insensée, des clichés qui instaurent des formes inédites de voir le monde. Dans cette perspective, je me détourne du mimétisme de la représentation standardisée du réel, puisque je dénature mes sujets par des effets inhabituels. Les recherches dans ce domaine demeurent étonnamment peu travaillées; c’est ce qui me stimule et m’inspire a dépeindre des paysages aux atmosphères oniriques et aux « bokeh » atypiques.

En 2018, avec l’objectif Hélios 44-2 modifié sur un Sony A7, j’ai supprimé le 2e élément à partir du devant de l’appareil et j’ai laissé le premier élément comme il était à l’origine (position convexe). L’arrière-plan devient texturé par des aberrations qui contaminent le premier plan jusqu’à se confondre avec ce dernier. Ce qui est spécial avec cet objectif, c’est que la lumière et l’air prennent l’apparence de formes tangibles. Elle vient bosser et/ou trouer la photo par leur présence. Il est excellent pour faire de la photo rapprochée (plus proche que le portrait). Retouches: contraste et couleurs.

 

J’ai expérimenté la RO-109-1A (projector lens) sur le Sony A7. Il y a un bokeh étonnant, il a la forme d’un bokeh circulaire par le centre; c’est un plaisir de regarder les voitures qui passent à la tombée du jour. *Après un court échange avec le spécialiste Pierre Tizien sur cet objectif soviétique, il semble que la RO-109-1A soit anormale dans le rendu ci-dessous (peut-être qu’il manque une lentille, que l’une est inversée, qu’une lentille fut trafiquée ou provienne d’un autre objectif. Le sujet doit demeurer au centre de la prise de vue, car il y a une très petite zone de netteté. Le rendu est granuleux en soirée  (surtout si l’arrière-plan est éloigné) et son focus est non tranché. Il a plusieurs similarités avec le monocle. En journée, les clichés prennent l’apparence du rendu Polaroid en lumière dure. Son bokeh est très présent et atypique comme vous le verrez. Je suis content de pouvoir expérimenter les anormalités inconnues de cet objectif. L’enregistrement de la lumière donne la sensation que cette dernière s’exprime sous forme de son, formes coniques ou triangulaires (en soirée) et distorsions accentuées et nerveuses (en journée). Voir d’autres images avec cet objectif: ici.

 

En 2018, j’ai acheté un objectif de projecteur Bell & Howell 16 mm super D proval (2 inch f1.4). voici les effets de ce bokeh impressionnant sur un Sony a7.